Vie d’Artiste-professionnel… planning… contraintes…

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dernière mise à jour = 02 novembre 2021

 


 

 Certaines artistes publient, ponctuellement ou régulièrement, leur emploi du temps… pour donner au public un aperçu du quotidien d’un travail souvent méconnu voire déprécié…

Contrairement à d’autres, moi je n’ai pas un blog rémunéré au clic et poster chaque jour des articles ne me rapporte rien. Si aujourd’hui je choisis de parler un peu de ce métier passionnant mais souvent méconnu, que j’ai exercé à plein temps de 2012 à 2021, c’est aussi pour que la jeune génération puisse garder les pieds sur terre et se rendre compte, avant de vouloir se lancer dans un métier d’Art, que cette trajectoire est bien plus compliquée qu’avoir un poste de salarié en entreprise.

Je suis en contact avec beaucoup de collègues-artistes dans tous les coins et recoins du monde et une constatation unanime s’impose : il est très très dur, voire impossible, de vivre exclusivement de son Art.

Je vais donc, riche de ma propre expérience, évoquer ici d’une manière globale, sans détailler une journée en particulier, de quoi est fait le quotidien d’un Artiste-Peintre. Il apparaît très vite qu’il doit être extrêmement polyvalent dans ses compétences et que concrètement son travail est loin de correspondre aux clichés disqualifiants qui circulent trop souvent.

Je fais ici la distinction entre : métiers d’Art qui parfois permettent quand même de disposer d’un statut de salariés (décorateur salarié, professeur d’Art salarié par une collectivité, encadreur salarié et la liste serait longue) et  : Artiste professionnel isolé qui cultive son Art, enseigne éventuellement son savoir-faire et dont les œuvres traduisent justesse, beauté et émotion.

Être Artiste professionnel, indépendamment d’un quelconque résultat financier, sous-entend que l’on soit prêt à beaucoup s’investir, et travailler un minimum de quinze heures par jour est nécessaire en l’absence d’agent ou d’un autre tiers sur lequel on pourrait déléguer la partie administrative…

Tous les Artistes me disent un peu la même chose : concrètement un artiste professionnel ne peint pas « plus » qu’une personne salariée qui peindrait le soir en rentrant de son boulot. Pourquoi ?
Parce qu’on fournit de manière prémâchée le travail au salarié… il n’a pas à courir après… alors que pour un Artiste il y a une quantité astronomique de démarches à faire avant qu’il ait la moindre chance de voir un client s’intéresser à son travail…

Voici donc, succinctement commentées, les tâches essentielles à maîtriser… et certaines d’entr’elles sont assez prenantes au niveau temps :

  • la comptabilité

    • un salarié signe son contrat, commence à travailler et encaisse une somme fixe chaque mois… c’est zéro-souci. Un Artiste-Professionnel a toutes les démarches administratives, juridiques et fiscales à effectuer lui-même pour démarrer son activité car dès le moindre centime encaissé il faut demander un numéro d’ordre à la Maison des Artistes. Ensuite l’Artiste choisit son mode de fonctionnement fiscal… et il tient sa comptabilité à jour car un contrôle peut avoir lieu à tout moment et il faut que tout soit nickel. Pour ma part je gère ma facturation et ma comptabilité sous excel, je n’ai pas besoin de logiciel spécifique.

 

  • le secrétariat

    • Un Artiste doit avoir assez de culture, de tact et de professionnalisme pour éditer des courriers impeccables, agréables à l’oeil et incitant les destinataires à y répondre favorablement au lieu de faire du classement vertical direction corbeille…

 

  • Maîtrise des logiciels spécifiques

    • Un Artiste peut éditer sans aucune compétence une poignée de flyers mais dès qu’un travail de petit ou de grand format va chez l’imprimeur il y a un certain nombre de contraintes techniques à respecter. Il ne s’agit pas juste de pouvoir convertir un fichier de RVB à CMJN, ou de jongler avec les pixels… il faut souvent également avoir les compétences techniques pour rentrer dans les fichiers de l’imprimeur et y déposer directement son travail. Dans la négative il y a lieu de trouver un professionnel et de lui confier cette tâche. A titre indicatif, faire une affiche destinée à être publiée en format A3 (annonce d’expo par ex) nécessite au minimum une journée entière de travail pour obtenir une qualité « pro ». Il faut établir un cahier des charges, collecter les informations, gérer la mise en page etc… et bien sûr maîtriser au minimum Photoshop, mieux encore Indesign, Illustrator, Gimp, Pdf etc…

 

  • Organiser ses formations

    • Pour maîtriser les logiciels indiqués supra, l’Artiste doit se trouver un organisme ou un formateur et il faut compter entre 50 € pour une formation basique et 1.000 € pour une formation technique complète par un organisme tel que le Greta.
      Il est faux de penser qu’un imprimeur acceptera un travail médiocre !!!
    • Pour les expositions collectives, la réalisation de l’affiche avec indication des sponsors est généralement prise en charge et l’Artiste n’a pas à s’en soucier mais ces expositions sont généralement payantes et il faut être prêt à ouvrir son escarcelle. Pour une exposition individuelle, l’Artiste doit tout organiser de A à Z.
    • On les oublie souvent car à l’ère informatique tout le monde touche à tout et pas toujours bien… mais un Artiste qui veut montrer son travail doit aussi maîtriser les outils de communication moderne, faire un choix efficient et assurer régulièrement un suivi… La gestion des comptes-mail en fait également partie…  En ce qui me concerne je sépare les comptes par activité. A titre d’exemple, un pour les demandes de documentation, un pour les contacts avec les galeristes, un autre pour les confrères, etc…

 

  • Encadrement

    • Au quotidien, il y a les activités liés à l’encadrement et il faut discerner l’Artiste qui dispose d’une menuiserie et peut faire ses boiseries lui-même, celui qui coupe lui-même ses passepartouts et met sous cadre-acheté, et celui qui peint sur toile et vernit l’aquarelle. Petit tour d’horizon ici.
    • L’achat des passepartouts ou cadres tout comme le démarchage des encadreurs (avec ou sans le client final) est souvent lié à des déplacements. Avec un véhicule on gagne du temps, sans… la journée y passe.
    • À côté de cela il y a les activités connexes du style découpe-en-série, protection des « cartes », ou plastification de marque-pages. Pour une bonne « rentabilité » il faut tout faire en séries, afin d’optimiser la gestuelle, tout comme le matériel.

 

  • Déplacements professionnels

    • Alors qu’en Entreprise les déplacements sont rémunérées, l’Artiste-indépendant soit RATTRAPER le travail en retard soit en sautant un repas soit en rognant sur son temps de sommeil. Les choses qui doivent être faites ne peuvent attendre sinon c’est le laxisme qui s’installe et pour gérer une micro-entreprise il faut dix fois plus de discipline que pour travailler en tant que salarié. La moindre pause nécessite qu’on se rattrape… d’une manière ou d’une autre. Et je précise que si un Artiste-indépendant tombe malade, personne ne sera là pour faire le travail à sa place.

 

  • Contacts et Communication

    • Les relations humaines sont déjà compliquées en Entreprise mais dans le milieu artistique c’est… à mon avis pire. Sous peine de heurter, il faut savoir sourire là où parfois on aurait envie de hurler. Pour ma part, mon caractère fait que souvent je vais droit au but sans ménager les susceptibilités ce qui ne me vaut pas que des amis… mais c’est un choix de vie. Je suis franche et directe, et j’écarte résolument de ma vie ceux qui ne le sont PAS.
    • Les principaux contacts d’un Artiste sont : les galeristes, les organisateurs événementiels, les collectionneurs, les investisseurs,  les confrères (toutes disciplines confondues) les administrations (tous types), les fournisseurs, les fabricants, les organisateurs de concours, les journalistes, les éditeurs, et toute autre personne pouvant se révéler utile au long d’un parcours souvent difficile voire épineux.
    • La gestion d’un site important tel que celui-ci, l’administration d’une page pro et d’autres formes de communication nécessitent une disponibilité qui grignotent considérablement sur le temps dont l’Artiste disposera pour peindre. Concrètement j’ai passé sur mon site depuis qu’il existe environ trois mille heures de travail entre documentation, rédactions et design… Ceci pour VOTRE confort visuel car mon site n’est pas rémunéré (ni au clic ni aux pubs).

 

  • Marketing

    • Il ne suffit hélas pas de faire un beau tableau pour être assuré de le vendre… il y a toute une série d’actions à entreprendre soi-même ou à déléguer… et il vaut mieux disposer de moyens financiers si on veut se démarquer. Faute de pouvoir investir un peu au niveau marketing (flyers, actions ciblées etc) on aura certes beaucoup de personnes qui diront qu’on fait du bon boulot mais on n’aura pas de client(s)… Pour ma part c’est l’absence de véhicule qui me pénalise lourdement… et qui fait que malgré la qualité de mon travail, les dépenses sont toujours plus importantes que les rentrées…

 

  • Veille documentaire

  • Enseignement

    • Enfin il y a les cours, ceux que l’on prend et ceux que l’on donne (par exemple : histoire de l’Art, perfectionnement technique)… Donner des cours nécessite souvent d’être membre d’une Association ce qui sans véhicule est infaisable ou à peine-réalisable… du coup un Artiste peut ne pas trouver de salle appropriée pour partager son savoir-faire… c’est une réelle difficulté… Alors qu’ailleurs en France les offices du Tourisme prennent en charge le marketing de l’Artiste et les inscriptions à des stages en plein air, dans ma région RIEN… c’est triste.

 

  • Les sorties de repérages

    • Le travail en plein air est généralement connu du grand public car durant la belle saison on voit beaucoup d’Artistes travailler dehors… Moins connue est la nécessité de faire des sorties pour du simple repérage… cela peut s’avérer nécessaire pour trouver un endroit où amener un élève, trouver une architecture pittoresque, faire une étude particulière ou tout simplement se laisser inonder d’impressions visuelles et d’émotions qui tôt ou tard rejailliront sur le papier.
    • Ces sorties sont très « prenantes » en temps et l’Artiste devra forcément compenser par un surcroît de travail à un autre moment de la journée.

 

  • EXPOSER

 

bon… une fois tout cela correctement géré… l’Artiste pourra s’emparer de ses pinceaux et sur base d’un dessin aussi correct que possible, mettre ses émotions sur le papier. Pour les « indépendants » une règle d’Or… ne jamais mélanger privé et professionnel. En clair on ne commence pas un tableau en surveillant ses fourneaux… il faut s’organiser comme si l’on était en entreprise et se réserver des plages horaires fixes… On a souvent du mal à le faire comprendre aux proches ou amis qui lorsqu’ils savent que vous êtes en Atelier, vous pensent disponibles pour une pause café ou une sortie. Hé-bien « nièt »… un imprévu même agréable pour les deux parties signifiera concrètement une surcharge de travail le soir. Enfin, tout comme en Entreprise, un artiste-indépendant gagne à maîtriser la gestion du stress car il faut parfois faire face à des contraintes tant au niveau d’un sujet inhabituel fait sur commande ou d’un laps de temps court qui reste pour réaliser un travail…

Petite parenthèse hivernale : moi je ne travaille qu’à la Lumière du jour donc je me dois d’organiser mon planning en fonction de la meilleure luminosité. C’était le cas pour les Artistes d’antan, mais vu la technicité du monde contemporain, les artistes sont communément devenus moins attentifs à ces questions de luminosité  et de leur impact sur le travail.

En l’an 2021, avec le Covid19, il faut tout revoir au niveau expo…

J’espère de tout coeur que ce modeste article aura pu aider certains à y voir clair et à les guider dans leurs choix de vie. Être artiste sous-entend aussi, souvent, que l’on sache vivre avec trois fois rien… c’étais le cas autrefois et cela reste de mise maintenant.

Faire ce que l’on aime est important mais pour peu que l’on ait une famille, nos choix ont des conséquences à prendre en compte. Heureux ceux (hélas rares aussi) qui aiment leur travail salarié car ils ont nettement moins de préoccupations…

La solution idéale pour un artiste dynamique habitué à gérer rondement ses affaires artistiques serait d’avoir un job-salarié à mi-temps et de gérer son activité-indépendante le reste du temps. Mais là il faut avoir une bonne santé et savoir se plier en quatre

 


 

Art, tracés & astuces de reproduction

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Dans toutes les époques… les hommes ont tenté d’immortaliser une partie de leur vie et de leurs émotions… et le dessin est né. Je vous propose de suivre au fil des temps la manière dont l’Artiste travaillait et s’organisait…

Art pariétal et rupestre à la préhistoire

A l’époque préhistorique  où le langage n’était pas connu, les fresques murales et dessins sur écorce transmettaient aussi d’une génération à l’autre un précieux savoir.

Tout dessin supposait une réflexion préalable puisqu’il a fallu trouver le support mais aussi le pigment puis broyer celui-ci en veillant à ce qu’il se conserve dans le temps. Qu’il s’agisse de dessins gravés ou peints, les hommes préhistoriques utilisaient au mieux les rares surfaces qu’ils avaient à disposition, généralement des grottes (un support moins connu… l’os). Qui dit « rare surface » dit aussi superposition. D’ailleurs même dans des temps plus récents, dans leurs études les Artistes ont souvent superposé différents travaux pour limiter leurs frais…

Pourquoi des grottes ? tout d’abord pour préserver leurs dessins, mais aussi, plus concrètement, parce qu’à l’époque un artiste qui aurait travaillé en plein air se serait aussitôt fait attaquer par un animal aux crocs acérés… Les dessins & gravures préhistoriques diffèrent beaucoup selon les régions géographiques et déjà à l’époque chaque contrée avait son style propre.  Les artistes de la préhistoire faisaient également du modelage mais peu d’objets ont pu être préservés jusqu’à nos jours. Les artistes de la préhistoire maîtrisaient déjà le travail en négatif, le travail en monochrome, bichrome ou polychrome, mais aussi le pointillisme, l’art par les empreintes.

La technique utilisée pouvait être le doigt, la main, le soufflé, le pochoir et l’utilisation d’ombres « chinoises » pour reproduire un tracé juste dans une zone exigeant que l’on travaille sans pouvoir prendre le recul nécessaire. (ceux qui auront déja peint couché sur un échaffaudage sauront de quoi je parle…).

Les Artistes préhistoriques s’éclairaient à la torche et aux lampes à graisse faciles à fabriquer avec une mèche animale ou végétale. J’ai appris à en fabriquer…
Le feu faisait partie intégrante de leur vie (et la préservait même)…  du coup ils apprirent très vite à utiliser les ombres dans leurs fresques. Très controversée par les puristes, cette réalité (car c’est plus qu’une théorie) n’exclut cependant pas la Créativité puisque pour projeter un mammouth au mur il fallait d’abord le modeler sur un support plus petit… Il faut donc voir les choses avec réalisme et féliciter nos Ancêtres d’avoir su exploiter un travail de création au point de le réutiliser plusieurs fois. Chose que nous faisons couramment de nos jours sans que personne ne s’en offusque (exemple : un artiste qui vend des produits dérivés reprenant ses créations). L’avantage indéniable d’une telle « projection » d’ombres… est que sur une surface comportant déjà d’innombrables tracés, l’Artiste y voyait clair par rapport à la nouvelle création s’y superposant. Il pouvait facilement créer des scènes de chasse… ou relater des histoires chamaniques pour ses descendants. Plus tard des symboles viendront s’y greffer…

post-préhistoire

L’âge de la pierre, du bronze, du fer  et les périodes plus récentes qui s’en suivirent amena une série de changement tant au niveau du mode de vie que du mode de pensées et naturellement de l’Art.

Il est communément admis que l’homme entra dans l’histoire avec la création de l’écriture, ce moyen de communication est aussi associé à l’invention du papyrus, du parchemin puis du papier. 

Ce fut  petit à petit la naissance des créations artistiques telles que nous les connaissons… avec :

> en Orient le Calame, la plume d’oiseau et le pinceau
> chez les Romains des pointes métalliques enduites de pigments
> en France les plumes
> puis un peu partout les pinceaux.


Naquirent ensuite les notions de perspective… et l’établissement des règles permettant un rendu juste.

Au 15ème siècle vit naître des Génies et j’admire énormément les travaux du florentin Léonard de Vinci.  Je pense sincèrement que son immense talent restera à jamais inégalé. Cet Artiste faisait de magnifiques études et des copies de ses travaux furent par suite réutilisés par d’autres artistes… ce qui nous montre que vraiment… à toutes les époques, les techniques de reproduction d’un bon travail furent ré-utilisées. Mais le but essentiel de ces astuces de reproduction est et reste le travail en série !

Albrecht Dürer écrivit en 1525 un traité sur la perspective intitulé : « Underweysung der Messung mit dem Zirckel und Richtscheyt »mais cela ne l’a pas empêché dans ses dessins de se servir de toutes les astuces possibles et imaginables comme en témoignent ces deux gravures le montrant au travail (images publiques) :


Au 16ème siècle les Artistes-Peintres visaient avant tout l’efficacité, ils n’avaient pas à prouver qu’ils savaient dessiner (et il le savaient même très bien).
Le 17ème Siècle connu la création et l’essort de plein de nouvelles techniques dont certaines furent élaborées par des artistes célèbres comme par exemple Rembrand, Nicolas Poussin

L’utilisation d’astuces naquit avec ce que je nommerais les « productions artistiques ».

La chambre noire fut rendue « portative » et permit aux Artistes du 16ème et 17ème siècle de reproduire plus facilement leurs sujets.

Je pense très sincèrement que tous ces  Artistes avaient largement les bases nécessaires pour dessiner eux-mêmes de manière juste le(s) sujet(s) qu’ils avaient sous les yeux mais que pour gagner du temps (produire « plus » en moins de temps) ils ont eu recours ponctuellement aux systèmes dont à leur époque ils pouvaient disposer. J’évoquerai ultérieurement les avantages et inconvénients pour l’Artiste de s’en servir, cet article-ci se veut neutre et documentaire.

Voici quelques Artistes qui ont largement et de manière vérifiable utilisé des astuces de reproduction sont :
> les artistes égyptiens (agrandissement au carreau)
> Giovanni Battista Naldini (mise au carreau)
> INGRES (calque)
> DEGAS (calque par fusain ou transfert du fusain sur papier humide)
> DÜRRER
……………….

Selon la nature de son travail, et son âge… l’Artiste moderne a le choix entre différentes techniques

J’évoquerai ultérieurement la question d’éthique et les avantages & inconvénients de se servir (ou PAS) de ces méthodes mais il paraît important de rappeler que de tous temps cela fut fait.

Article actualisé le13 janvier 2021

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Modèles vivants pour nu académique

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Article mis à jour le 07 mars 2016



autres « photos » ici

En tant qu’Artiste je dessine bien entendu régulièrement des gens dans les endroits publics, jusqu’ici aucun souci.

Là où cela se complique c’est lorsque pour les besoins de l’étude académique du dessin, il faut un modèle vivant habillé juste de sa peau.

C’est l’occasion pour tout artiste ayant déjà des notions de canons et d’anatomie musculaire de s’imprégner des structures humaines jusqu’à ensuite pouvoir les restituer correctement, et à long terme par coeur sans aucun modèle et dans n’importe quelle position.

Discipline enseignée aux Beaux Arts mais aussi en cours privés, le dessin sur modèle vivant nécessite un atelier approprié, mais surtout la présence d’un modèle professionnel qui sait sans que l’on ait besoin de le lui expliquer, quelle position prendre lorsque toutes les 5 ou 10 mn on lui dit « pause suivante ». C’est un métier et sur le terrain j’ai pu me rendre compte qu’il n’est pas facile et physiquement parfois dur, certaines poses n’étant pas de tout repos.

En ce moment, les modèles de tous pays tendent à se regrouper pour qu’on reconnaisse officiellement ce métier. Le modèle devrait en effet avoir un statut de salarié comme un travailleur en intérim-pour-une-entreprise, avec des avantages sociaux, des conditions de travail normalisées, et tous les autres avantages d’un salarié dans le monde du travail.

La tendance actuelle est que les modèles se regroupent au niveau national et international pour être reconnus en tant que professionnels mais aussi pour mettre en place leurs droits.
Autour de cette action s’articulent les cours et les marathons des artistes, les plus talentueux se lançant parfois mutuellement des défis… mais avant tout par passion pour les lignes et les courbes à mettre sur le papier mais aussi à sculpter en pauses plus longues.

Les professeurs donnant régulièrement des cours sur les nus académiques n’ont quant à eux pas à courir après les modèles, ils reçoivent régulièrement des « offres » et peuvent faire leurs choix en fonction des critères recherchés pour l’apprentissage de cette discipline techniquement assez difficile. Je rappelle ici que cela n’a strictement RIEN de pornographique, il s’agit de dessiner avant tout les « raccourcis » de manière à donner de la profondeur à l’oeuvre. Les raccourcis sont au corps ce que la perspective est au bâtiments… Pour ma part je ne fais aucune différence entre dessiner un vase… et un corps sauf que parfois… le caractère du modèle se reflète dans le dessin et c’est particulièrement chouette.

La différence c’est que les écoles publiques exigent toujours un très grand professionnalisme, alors que les ateliers privés sont moins exigeants. Les pauses courtes par lesquelles on commence généralement pour aller à l’essentiel et s’assouplir, sont faciles à tenir pour un modèle, les pauses longues sont très difficiles surtout que pour une œuvre de qualité il faut compter en moyenne sept heures de pause immobile. C’est physiquement contraignant : pas question d’éternuer ou de se gratter la tête pendant la pose.

Un modèle faisant plusieurs poses de 30 mn par jour… a des courbatures le lendemain… il gagne donc à être sportif. Certains modèles se recrutent également… chez les marins, habitués à travailler avec leur corps. Au niveau du planning il faut donc que les modèles sachent parfaitement combien ils peuvent endurer en une journée et ce qu’ils feront le lendemain. Le salaire horaire moyen de 20 € l’heure (brut) se justifie donc aussi par le fait qu’un modèle n’est pas opérationnel huit heures par jour tous les jours ! Les modèles que je connais ont par conséquent tous un travail salarié classique parallèle à cette activité artistique. Les revenus issus de ce type d’activité sont bien évidemment à déclarer au fisc, ça va de soi, mais je préfère le préciser. Les écoles fournissent généralement des papiers officiels au modèle. Pour le privé c’est moins vérifiable mais le professionnel sérieux le fera également et ceci pour deux raisons : pour se mettre en règle et aussi pour pouvoir déduire les sommes versées au modèle de ses frais professionnels s’il fonctionne au régime de déclaration-contrôlée.

La France est sans doute le pays où l’ingratitude envers le statut de « modèle » est la plus forte… Dans certains pays, en une semaine de travail intensif, un bon modèle peut se faire 1.500 € (source = nouvel observateur). En France, le modèle est parfois payé à la séance ce qui du coup diminue de beaucoup les revenus, une séance durant deux heures dans le public et bien plus longtemps voire la soirée dans le privé : le modèle risque donc de rentrer fatigué et de n’avoir en poche qu’une quarantaine d’euros à tout casser… ce qui n’est pas toujours motivant sachant que le lendemain à cause des courbatures il ne pourra faire que du temps partiel… ou rien du tout.

Dans certains pays, les modèles ont un pourboire sous forme de « cornet ». J’ai vu pour ma part des Artistes offrir leur dessin au modèle, ce qui fait plaisir également.

Cela reste malgré tout un métier précaire au même titre que tous les intermittents du spectacle ou les intérimaires en Entreprise. Avec parfois des primes mais cela ne saurait compenser la sécurité d’un emploi plus stable…

On peut par contre être modèle à tout âge et avec toutes les corpulences. A titre d’exemple, une femme enceinte est très intéressante à dessiner.

Le modèle qui débute aura aussi intérêt à s’assurer, si on demande ses services dans le privé, qu’il s’agit bien d’une séance de dessin et de rien d’autre. Il vaut alors mieux aller dans une école de dessin pour proposer ses services. Et vice-versa, les artistes se voient également proposer parfois autre chose que la prestation purement artistique et se doivent alors de faire preuve de discernement et de professionalisme.

Un professeur qui veut organiser une séance « modèle vivant » se doit de connaître à l’avance le nombre minimum d’élèves et souvent ce problème est résolu par un règlement à l’année et en avance. Le coût de ces cours est assez variable selon qu’il s’agisse d’un cours officiel et public.
Les prix actuels sont d’environ 400 € l’année (universitaire) à raison d’une séance par semaine, ceci en Province bien sûr contre 40 € la séance en région parisienne ! Pour les ateliers publics les prix sont généralement calculés en référencement « T+N° (souvent 7) ». Il faut donc diviser son quotient familial par douze puis par le nombre de parts, pour connaître le prix du cours.
Ce référencement peut ou pas être assorti d’un supplément en fonction du modèle et de la mise en scène exigée par une pose. Une année universitaire de cours sur Paris vaut entre mille et deux mille Euros ce qui bien sûr n’est pas à la portée de tous… parfois il faut négocier des forfaits ou avoir recours aux ateliers privés. Il peut aussi arriver que ces derniers soient plus chers…. il n’y a pas de réglementation fixe (hélas).

En raison de ce coût auxquels se rajoutent pour les élèves (tout comme pour les modèles) d’importants frais de transport pouvant aller jusqu’à doubler les frais engagés… il me paraît nécessaire de souligner que pour aborder ce type de cours il faut au minimum être à même de :

  • dessiner de mémoire un visage de face et de profil en respectant les canons
  • dessiner de mémoire un homme et une femme debout, en respectant les canons
  • avoir étudié l’anatomie osseuse et musculaire
  • avoir déjà dessiné des parties isolées du corps tel que main, pied, jambes…
  • pouvoir physiquement dessiner debout ou sur un petit tabouret pas confortable
  • accepter de faire à la maison des exercices entre les séances afin de progreser régulièrement
  • maîtriser les contrejours, les lumières & ombres, les effets spéciaux
  • savoir se passer de pige en ne perdant PAS le sens des proportions
  • savoir voir en volumes et mettre sur du papier à deux dimensions un sujet à trois dimensions

Les techniques dites sèches conviennent aux études nécessitant un déplacement car il y a alors peu de matériel à emmener. Pour les pauses de longueur moyenne (20/30 mn) on peut risquer l’aquarelle. Du plus bel effet aussi pour qui maîtrise déjà tous les points énumérés plus haut… le calame et trois encres différentes. Et bien sûr rien n’interdit l’acrylique ou l’huile mais il faut alors des pauses plus longues.

nb. : suite à quelques « demandes » je rappelle ici que je ne fais absolument pas l’interface entre des dessinateurs en herbe et des modèles… à chacun(e) de trouver les siens.

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